À l’automne 2020, des citoyenNEs de Pointe-Claire ont attiré notre attention sur une mosaïque de milieux naturels qu’ils cherchent à protéger. S’il faut se fier aux intentions de développement urbain de la municipalité de Pointe-Claire, le sort de la « forêt Fairview » semble scellé. Mais est-ce vraiment le cas ?
La forêt Fairview (aussi parfois appelée « boisé Merck-Frosst ») est en réalité une mosaïque de milieux naturels comprenant des bois, des milieux ouverts et des milieux humides. Elle couvre une superficie totale d’environ 18 hectares (25 terrains de football), sur des terrains privés situés tout juste à l’ouest du centre d’achat Fairview Pointe-Claire.
Cette mosaïque de milieux naturels est remarquable à plusieurs égards :
À ces caractéristiques exceptionnelles, ajoutons que la forêt Fairview constitue le dernier rempart vert entre un quartier résidentiel et une zone industrielle. Depuis de nombreuses années, c’est un lieu de ressourcement pour de nombreux citoyenNEs. Malgré son isolement relatif par rapport à d’autres milieux naturels, cette mosaïque est un élément important du paysage naturel qui contribue significativement à la biodiversité, à la lutte aux îlots de chaleur et à la gestion des eaux.
La forêt Fairview se trouve sur des terrains visés par l’article 9.7 du règlement de zonage de la ville de Pointe-Claire. Celui-ci vise à « maximiser la conservation d’un bois ou d’un milieu humide [...], sa mise en valeur et son intégration au projet, en tenant compte de sa valeur écologique, et à rehausser sa biodiversité. »
Malgré cela, le programme particulier d’urbanisme (PPU) adopté par la municipalité en mai 2017 prévoit le développement d’un quartier résidentiel et commercial, là où se trouve le boisé. À terme, il semble que seuls une bande de forêt à l’extrême ouest de l’écosystème et quelques arbres ou bosquets épars subsisteront. La venue d’une station du Réseau express métropolitain (REM) dans la partie sud-est du terrain ne fait qu’accentuer la pression de développement sur les milieux naturels.
Précisons que ce PPU est conforme au Schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération en vigueur depuis 2015, qui prévoit une affectation « Activités diversifiées » pour la zone concernée (incluant les milieux naturels).
Il faut également préciser que les terrains sur lesquels se trouve la forêt Fairview ne sont pas de propriété municipale; Cadillac Fairview en est propriétaire. Cela ne veut pas dire pour autant que la société privée a les coudées franches : l’obtention d’autorisations du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) est nécessaire pour de nombreux types de travaux.
À notre connaissance, les projets de Cadillac Fairview ou de Pointe-Claire ne prévoient pas, à court terme, de développement sur la mosaïque de milieux naturels, mais à moyen-long terme, oui. Toutefois, en fouillant sur le registre public, on constate que des autorisations ont déjà été demandées et sont en cours d’analyse au MELCC.
Le CRE-Montréal a déjà pris l’initiative de transmettre à la municipalité de Pointe-Claire ainsi qu’à la direction régionale du MELCC les connaissances qu’elle a colligées concernant l’écologie exceptionnelle de ces milieux naturels. De plus, un dialogue est initié avec Cadillac Fairview.
L’année 2021 s’annonce très intéressante au chapitre de l’urbanisme et de la protection des milieux naturels.
Le cas de la forêt Fairview, ce poumon vert tant apprécié des résidents des quartiers voisins, montre bien les défis qui se posent à la protection des derniers milieux naturels sur l'île de Montréal, surtout les plus isolés d’entre eux et ceux qui ne s'inscrivent pas dans de grands ensembles de milieux naturels (comme les écoterritoires). Néanmoins, cette mosaïque de milieux naturels présente d’intéressants potentiels d’inscription dans une vision d’urbanisme et d’aménagement durables qui miserait sur sa conservation : mise en valeur comme infrastructure verte et bleue, accès à la nature et de qualité de vie, mise en réseau avec d’autres milieux naturels via les emprises des infrastructures, etc. Voilà donc un dossier phare, à suivre de près en cette année si particulière.