Le dernier rapport du 2e groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) paru le 28 février dernier rappelle de manière impérative ce qui est dit depuis 30 ans: il y a urgence et nous en faisons vraiment trop peu. Les Québécois sont plus conscients que jamais de l’importance de la lutte et l’adaptation aux changements climatiques, sur papier à tout le moins, mais leurs aspirations, notamment en termes d’habitation, traduisent l’inverse.
En effet, lors du webinaire du 23 février dernier, organisé par l’IDU, le Fonds immobilier de solidarité FTQ a présenté les résultats d’un vaste sondage Léger sur les intentions des ménages québécois et montréalais en matière d’habitation: une douche bien froide pour les convaincus de l’aménagement durable. Quelles voies envisager pour freiner la croissance de la banlieue dans nos cœurs et sur le territoire naturel et agricole?
Selon le sondage, les ménages du Grand Montréal (RMR) qui planifient d'acheter une résidence dans les 5 prochaines années ont des aspirations totalement incompatibles avec un contrôle de l’étalement urbain et la mobilité durable. Parmi ceux-ci, seulement 24% s’intéressent à un plex ou une unité en copropriété (condo). Le désir d’aller vers la copropriété est passé de 33% en 2014 à 17% en 2021.
Malheureusement, il existe 1,6 millions de ménages dans la grande région de Montréal et si nous devions loger tout ce monde dans des maisons unifamiliales, il n’y aurait simplement plus de territoire agricole et naturel de Saint-Jean-sur-le-Richelieu à Saint-Jérôme et de Sorel à Valleyfield. Ça serait également une catastrophe pour les contribuables car ces développements ne couvrent généralement pas les coûts des services publics municipaux avec leurs taxes.
En matière de transport, même portrait: bien que les hausses de prix de l’essence préoccupent la population, la proximité du lieu de travail n’est très importante que pour 39% des futurs acheteurs et la proximité des transports en commun ne l’est que pour 28%.
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Force est de constater que nous avons encore du travail à faire afin de que les aspirations des Québécois.e.s affichent un début de réalisme par rapport à l’urgence climatique. Comment y arriver sans adopter une approche paternaliste rebutante et sans stigmatiser certains citoyens?
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Ces solutions resteront des réponses partielles à nos envies, avouons-le, plutôt irréalistes, d’avoir chacun notre petit domaine fortifié au bord d’un lac privé à 15 minutes de tous les services. Mais dans le cadre du compromis que chacun finit par faire dans son choix d’habitation, il n’y a peut-être pas beaucoup plus à faire pour faire pencher le cœur des Montréalais.e.s du côté de la ville. L’autre défi est de le faire dans le respect de leur capacité de payer.
Le dernier rapport du GIEC insiste sur les efforts qui peuvent être faits quant à l'adaptation aux changements climatiques. Il aborde aussi les interactions qui subsistent entre nos actions visant à réduire les GES de la collectivité, et notre résilience lorsque les effets du grand réchauffement planétaire se font sentir. Notre imaginaire collectif et culturel, se traduisant dans nos aspirations immobilières, nous faisant chercher sans trop se questionner une cour privée gazonnée ou une entrée de stationnement, va à l’encontre de nos aspirations environnementales. Adapter cet imaginaire n’est-il pas une première étape essentielle à ce que nous adoptions des comportements cohérents à notre sensibilité aux changements climatiques? À l’instar du leadership démontré aux premiers jours de la crise de la COVID-19, nos gouvernements devront incarner cette actualisation nécessaire.