
Crédit photo : Antoine St-Germain
Dévoilé le 10 mars dernier, le rapport de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur le futur Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) de la Ville de Montréal est l’aboutissement d’une des consultations publiques les plus importantes de son histoire. Fiers d’avoir pris part à cet exercice démocratique nous revenons ici sur nos principales recommandations formulées dans notre mémoire de l'automne dernier et nos observations à la lecture du rapport de consultation.
Mobilité
Avec de nombreuses autres personnes et organisations, le CRE-Montréal s’est d’abord prononcé en faveur de la vision de la réduction de l’espace et de l’utilisation de la voiture inscrite au PUM. La lecture des nombreux arguments et mécanismes soutenant la réduction de la place de la voiture (p. 33 à 37) nous assure d’avoir été entendus par l’OCPM. Parmi ces pages, notre plaidoyer, pour une cible franche de réduction du nombre de véhicules automobiles dans chacun des arrondissements et, de façon corollaire, pour une cible de réduction du nombre de stationnements sur rue et hors rue est bien rapporté.
Notre position en faveur d’une tarification plus juste du stationnement a aussi été mentionnée par l’OCPM, incluant la proposition d’allocation de mobilité permettant de protéger les automobilistes à faibles revenus de hausses de tarifs, non sans proposer aussi des rabais aux autres ménages défavorisés qui choisissent les transports actifs et collectifs (détails à la p. 44 de la partie 1 de notre mémoire).
L’OCPM ne se prononce pas clairement sur ces notions dans ses recommandations. Néanmoins, nous nous réjouissons de lire un support sans ambiguïté de l’OCPM pour la transition vers la mobilité durable, dans la recommandation 4.
En matière de financement, la commission nomme, dans le préambule de sa recommandation 27, l’importance d’innover afin de trouver les fonds requis pour réaliser les nombreux projets d’investissement du PUM. L’OCPM fait notamment référence à l’écofiscalité et insiste pour que « soit ouvert un dialogue social sur la question du financement de la mobilité afin de susciter l’adhésion envers une allocation plus optimale des ressources publiques » (p. 192). Nous ne pourrions être plus en accord.
Sur les questions de stationnement, la commission rapporte certains débats, mais n’a pas émis de recommandations. Nous souhaitons tout de même insister sur l’importance capitale du stationnement pour le succès du PUM et notamment du rôle des arrondissements pour la cohérence des différentes mesures liées aux espaces sur rue et hors rue. Nous avons d’ailleurs formulé plusieurs propositions en ce sens dans notre Livre blanc sur le stationnement en 2023.
L’humain dans le changement
Pour revenir aux questions de dialogue social, nous accueillons avec grand enthousiasme la recommandation #5 du rapport, soit de « reconnaître formellement le défi du changement de comportement associé aux ambitions du PUM en matière de mobilité, et [que la ville] se dote d’un plan d’action concret pour susciter la nécessaire adhésion envers les modes de transports alternatifs à l’auto solo. » Une autre recommandation incontournable pour réussir la mise en œuvre du PUM.
Ce plan d’action doit contenir des stratégies multiples d’accompagnement aux changements de comportements afin d’agir sur l’ensemble des leviers à la disposition de la ville et des arrondissements. Outre les leviers d’aménagement, de réglementation et de tarification disponibles qu’on s’attend de voir dans un plan d’urbanisme, des mesures sociales doivent être incluses et budgétées dans ce plan d’action afin d’embrasser l’entièreté de la planification et de la gestion de la mobilité attendue dans un PUM.
Par exemple :
- Développer ou appuyer une culture vélo pour améliorer les attitudes envers ce mode de transport ainsi que pour influencer une norme sociale positive envers les déplacements à vélo plutôt que la voiture. (p. 42)
- Faire rayonner les comportements de mobilité durable par des campagnes valorisant un mode de vie sans auto.
- Appuyer des projets pour développer les compétences de mobilité durable de la population.
- Distribuer de l’information de sensibilisation et d’éducation (p.188-189) à des moments de bris d’habitudes (ex. : déménagement, rentrée scolaire, ouverture d’une nouvelle infrastructure de transport durable, fermeture de rues, etc.)
D’ailleurs, nous tenons à réitérer notre recommandation de se doter de politiques et de réglementations pour limiter la publicité automobile dans les lieux publics, lors des grands événements ou dans les médias qui bénéficient du soutien de la ville. L’exposition à la publicité automobile impacte grandement la norme sociale favorable à l’automobile et travaille parfaitement à l’encontre des objectifs du PUM.
La mise en place d’actions diverses facilite les changements de comportement vers une mobilité durable et favorise leur maintien dans le temps. Ce plan d’action doit également prévoir une mobilisation et la participation de toutes les parties prenantes, incluant la population touchée par les changements d’habitude de vie (p.188-189). De plus, comme mentionné dans le rapport « les personnes vivant plusieurs discriminations, doivent être au cœur des décisions qui les concernent et ont un impact sur leur vie» (p.143). Ajoutons que Montréal peut compter sur un riche écosystème d’organisations pouvant l’appuyer pour la mobilisation et la participation de ces publics.
Volet Nature et eau
Nous sommes particulièrement satisfaits que la commission reprenne plusieurs de nos commentaires concernant la protection de la nature. Ainsi, à la page 78 du rapport, elle souligne notre étonnement concernant les cibles proposées de 10 m2 de parcs et espaces verts par habitant, que nous jugeons trop timides, car elle se limite aux secteurs d’opportunités priorisés et non pas à l’ensemble du territoire.
À l’instar d’autres organisations montréalaises, nous suggérons aussi l’inclusion du critère «3-30-300 », recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé et déjà inclus dans le projet de PMAD révisé, pour maximiser les nombreux bénéfices que procurent les espaces verts sur la santé physique, mentale et sociale de la population (p. 99 du rapport).
Comme la protection des milieux humides fait aussi partie de nos préoccupations, la commission cite à la page 126 du rapport notre déception sur le manque d’ambition à cet égard : « En effet, souligne cet organisme, le document ne prévoit protéger que 46 hectares supplémentaires de zones humides au cours des 25 prochaines années. De surcroît, remarque-t-il, le projet stipule que cette cible sera atteinte dès 2030, ce qui veut dire qu’aucun objectif supplémentaire ne sera poursuivi pour les 20 années suivantes ».
De plus, la commission souligne à la page 131 du rapport notre commentaire concernant une application transversale du facteur de résilience environnementale : “En soulignant les succès découlant de l’implantation récente du facteur de résilience climatique (FRC) dans les arrondissements du Sud-Ouest et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, une organisation suggère à la Ville d’en généraliser l’usage sur le territoire, y voyant l’occasion « de garantir une cohérence territoriale, une flexibilité selon le contexte urbain des projets et une facilité dans le processus de demande de permis sur le territoire de la ville ».
La Trame verte et bleue active (TVBA)
Le concept de TVBA, sur lequel nous travaillons depuis des années, vise à apporter une solution transversale à plusieurs enjeux de l’adaptation aux changements climatiques. C’est dans cette optique que nous avons mis sur pied depuis 2023 la communauté de pratique Ça se trame, qui vise le partage de savoirs, l'expérimentation et la collaboration entre les différents acteurs interpellés par le développement des corridors verts, bleus et actifs. Ainsi, cette communauté de pratique contribue à faire émerger des solutions concrètes et inclusives qui renforcent la résilience collective et favorisent une transition écologique ancrée dans les réalités locales.
Le rapport de l'OCPM reprend cette idée et recommande une planification qui tienne mieux compte des réseaux verts et bleus afin de renforcer la résilience des milieux de vie. Parmi nos recommandations retenues, deux points nous semblent majeurs :
- Recommandation 16 :
« La commission recommande à la Ville d’élaborer un cadre de référence pour les corridors verts définissant des critères d’aménagement et détaillant leurs rôles et typologies, de déterminer les priorités et d’enrichir ce réseau par l’ajout d’autres corridors verts, tout en s’assurant de leur connectivité aux grands parcs et à la trame verte et bleue ». - La commission rejoint notre vision concernant l’ajout de nouveaux corridors au PUM : « Des initiatives de corridors verts portées par des arrondissements ou par des organisations de la société civile sont en cours de planification et présentent différents niveaux d’avancement et de mobilisation de partenaires locaux. Citons par exemple le corridor Darlington, le corridor des Ruisseaux et le lien du golf Meadowbrook à la falaise Saint-Jacques ».
Renforcer la protection du Mont Royal et ses écosystèmes
Pour terminer, nous avons également insisté sur la nécessité impérative de renforcer la protection du Mont Royal et de le connecter à la TVBA. Le rapport de l'OCPM fait écho à nos préoccupations en recommandant une meilleure gestion de l’afflux de visiteurs, une consolidation du réseau de sentiers respectueux de l’environnement et une stratégie de conservation à long terme qui préserve la faune et la flore de ce milieu unique. Nous continuerons à veiller à ce que ces engagements se traduisent en actions concrètes dans le PUM 2050.
Le suivi de la mise en oeuvre
Pour le succès du PUM, la commission recommande (#25) « d’inclure dans le PUM des mesures de sensibilisation et d’éducation, d’encourager la population à participer activement au processus de mise en œuvre et de suivi du PUM, et de prévoir les mécanismes appropriés. »
L’implication des citoyennes et citoyens ainsi que la société civile est une condition incontournable pour assurer la réussite de ce grand chantier collectif. Nous proposons comme processus de mettre en place un comité de suivi représentatif de la société civile montréalaise pour la mise en œuvre du PUM. Ce processus de mobilisation de la collectivité devrait débuter bien avant la fin des 5 premières années de mise en œuvre du plan. Le succès d’un tel comité repose aussi sur une vision claire des mesures prioritaires, les moyens financiers et techniques nécessaires ainsi que des responsabilités pour atteindre les objectifs du PUM.
La Commission identifie également dans la recommandation 28 l’importance d’aller au-delà de la conformité réglementaire par les arrondissements, et de favoriser le développement de Plans locaux d’urbanisme et de mobilité (PLUM) par ceux-ci. Nous souhaitons souligner que la société civile, dont le CRE-Montréal, peut également jouer un rôle de concertation et de mobilisation des connaissances comme elle le fait déjà, par exemple, avec sa plateforme www.reglementaction.com, son Réseau d’expertise sur le stationnement ou sa communauté de pratique sur le TVBA Ça se trame.
Un plan de mobilité et d’urbanisme qui nous fait avancer
Nous nous réjouissons de cette nouvelle étape franchie avant l’adoption d’un nouveau plan mariant l’urbanisme et la mobilité dans une perspective ambitieuse et responsable de transition socioécologique. La Ville, les arrondissements, nos membres et nos partenaires peuvent compter sur le CRE-Montréal pour défendre et rappeler l’importance de garder l’ambition élevée et, surtout, de faire les bonifications requises pour s’assurer d’une mise en œuvre et de résultats à la hauteur des intentions initiales.
Notamment, nous offrirons notre meilleure collaboration pour toute action visant à :
- Porter une communication claire sur la réduction du nombre de voitures sur l’île et un bouquet complet de stratégies pour renforcer l’adhésion au rééquilibrage de l’espace et du financement de la mobilité en faveur des modes actifs et collectifs;
- Soutenir l’adoption de PLUM cohérents par les arrondissements, notamment en matière de stationnement;
- Détailler la planification de la Trame verte et bleue active incluant une vision montréalaise de la protection de la biodiversité urbaine et de la mise ne valeur des espaces verts et bleus;
- Une ambition renouvelée pour la protection et la mise en valeur du Mont Royal.
Lire notre mémoire soumis à l’OCPM
Lire le rapport de consultation de l’OCPM
Lire le projet de PUM de Montréal
Nous tenons à remercier l’ensemble de nos membres et partenaires ayant participé à définir les positions présentées dans le mémoire du CRE-Montréal, notamment les participant.es de l’atelier de travail PUM et transition socioécologique du 4 septembre 2024, co-organisée avec l’Alliance Transition en commun.