Alors, des inondations cette année?

Il fut un temps où les inondations à Montréal étaient une évidence, une fatalité récurrente. La fonte des neiges et glaces conjuguée aux pluies faisait grossir notre fleuve impétueux non encore totalement débarrassé de sa couverture de glace, le faisant sortir de son lit. C’était la situation normale en cas de redoux hivernal ou en fin de saison, entre avril et mai. Cette force hydraulique était utilisée pour la drave, en permettant le transport des troncs d’arbres abattus et accumulés en amont jusqu’aux villes de l’aval, sur le fleuve.

Depuis, nous avons profondément anthropisé le fleuve, pour la navigation commerciale, pour produire de l’énergie :

  • Modification de son tracé dès 1842;
  • Gestion des glaces par des estacades et des digues (de la Cité du Havre, par exemple) guidant l’accumulation des glaces;
  • Canal de Soulanges puis de Beauharnois;
  • Voie Maritime ouverte en 1959, pour remonter de Montréal au lac Ontario malgré les cataractes;
  • Harnachement du fleuve et de ses affluents en barrages hydroélectriques.

Nous avons profondément modifié le régime hydrique et le profil du Saint-Laurent, au détriment des milieux humides, notamment du lac Saint-Pierre. Nous avons construit en dur dans les zones inondables.

Parallèlement, la gestion des eaux s’est complexifiée, internationalisée. Le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent et la Commission mixte internationale surveillent les eaux du système des Grands-Lacs et du Saint-Laurent (GLSL), en partenariat avec la Voie maritime, la Garde côtière canadienne et Hydro-Québec notamment.

Est-ce à dire que la profonde modification du régime hydraulique et hydrique du système GLSL est la cause des inondations de 2017 et 2019? Non, la régulation globale mise en place est très sophistiquée, et efficace dans une large mesure.  

L’approche de la gestion des zones inondables basée sur le risque est désormais utilisée au Québec, et par la CMM pour prédire les risques sur les territoires métropolitains. En croisant le degré d’exposition au risque à la vulnérabilité de chaque espace face aux inondations, il est possible de décider de la bonne mesure à prendre pour la sauvegarde des populations et des biens matériels exposés selon chaque lieu, évaluation supportée par des analyses coût-bénéfices fondées sur les modèles prévisionnels intégrant les changements climatiques. Ainsi, de nouvelles cartes des zones inondables ont été publiées par la CMM, qui n’indiquent plus des zones d’inondation à 20 et 100 ans, mais le risque encouru.

Inondations sur la rue Cousineau, dans Ahuntsic-Cartierville, mai 2017 - par Cold, Indrid 

Depuis le 16 mars dernier, le site de surveillance et de prévisions du niveau des eaux de la CMM est disponible pour les citoyens et les professionnels au cruesgrandmontreal.ca. Cette ressource permet de connaître la situation en temps réel et les prévisions à 72h du niveau des eaux et les risques de submersion des différents secteurs bordant l’un des cours d’eau principaux de l’archipel métropolitain, soit le fleuve Saint-Laurent, la rivière des Prairies, le lac des Deux-Montages et la rivière des Mille-Îles. Cette nouvelle version améliorée se base sur des modèles prévisionnels plus robustes et affinés, à partir des données de 29 stations de mesure. Notre système de surveillance, de prévision et de gestion des crues est-il inadéquat? Non, le Québec a désormais rattrapé son retard en la matière.

Et alors? Aurons-nous des inondations ce printemps?

Les Grands Lacs sont actuellement pris dans un cycle humide qui assure des niveaux d’eau élevés depuis plusieurs années. Cependant, le couvert neigeux a déjà disparu de la région des Grands Lacs en raison de l’hiver sec et de la remontée progressive de la température. Les retenues effectuées à la sortie du lac Ontario peuvent permettre d’écrêter les crues.

L’incertitude qui subsiste est double:

  • L’amont du bassin versant de la rivière des Outaouais, principal affluent du Saint-Laurent, possède une couverture neigeuse supérieure à la moyenne. En cas de fonte rapide, ses eaux pourraient inonder le lac des Deux-Montagnes et les berges de la rivière des Prairies, puis se déverser dans le lac Saint-Louis et menacer le rivage sud de Montréal.
  •  L’importance des précipitations printanières et la survenue d’épisodes de pluie extrêmes pourraient créer des pics d’écoulement dangereux, surtout s’ils sont conjugués au grossissement des eaux de la rivière des Outaouais.

Face à cette incertitude, que peut-on faire?

La variabilité de la météo est un phénomène normal, mais le dérèglement climatique que nous vivons augmente la fréquence d'événements extrêmes, qui augmente en retour le risque de conjonction entre fonte importante et pluies torrentielles. Toute mesure permettant d’atteindre la carboneutralité est donc efficace également contre les inondations.

La présence d’habitations accentue la vulnérabilité des zones inondables, critère majeur de décision dans la nouvelle gestion des inondations. La réduction des bâtiments en rives devrait donc être la règle, au profit de plaines inondables dotées de végétations adaptées et d’infrastructures de rétention des eaux.

Enfin, la minéralisation des berges accentue grandement la montée des eaux. Les infrastructures en rives doivent dans la mesure du possible être naturalisées et les bandes riveraines, restaurées, pour permettre aux milieux humides de se reconstituer et de jouer à nouveau son rôle de régulateur du débit de nos cours d’eau.

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