Le 28 mai 2019, l’événement gratuit intitulé Biodiversité urbaine : quelle place pour les abeilles? a rassemblé près de 50 personnes à la Maison du développement durable (MDD) et rejoint 200 spectateurs via la webdiffusion en direct. Organisée par le Conseil régional de l’environnement de Montréal, en collaboration avec la MDD, la conférence a réuni quatre expertEs aux perspectives des plus complémentaires :
Les échanges entre les invitéEs et avec le public ont été conduits par l’animatrice Karine Navilys, coordonnatrice à la Direction du développement durable de HEC Montréal.
Les quatre panélistes ont insisté sur l’importance de préserver la diversité des insectes pollinisateurs en milieu urbain. Pour y arriver, croient-ils, il faudra non seulement créer et connecter entre eux des habitats diversifiés, mais également - et urgemment - établir un règlement visant à encadrer l’apiculture urbaine.
L’apiculture urbaine gagne en popularité : il y aurait à l’heure actuelle quelque 700 ruches sur le territoire montréalais ! En installant une ruche sur leur terrain ou le toit de leur immeuble, les organismes et les entreprises espèrent « faire leur part » pour les pollinisateurs. Pourtant, l’apiculture n’est pas une pratique sans conséquences sur l’équilibre de l’écosystème urbain. M. Favret a rappelé que l’abeille domestique montréalaise côtoie pas moins de 177 espèces d’abeilles indigènes et des centaines d’autres espèces d’insectes pollinisateurs : papillons, guêpes, fourmis, coléoptères, etc. Si certaines espèces dites généralistes peuvent se nourrir d’un large éventail d’espèces florales, incluant les fleurs exotiques souvent privilégiées dans les aménagements urbains, plusieurs autres sont spécialistes et dépendent d’espèces indigènes spécifiques. Par exemple, l’asclépiade est indispensable à la chenille du monarque. Dans un contexte de raréfaction des habitats naturels et de fragmentation du paysage naturel en milieu urbain, les pollinisateurs indigènes peinent à trouver les ressources dont ils ont besoin pour s’alimenter et se reproduire.
L’introduction d’un nombre sans cesse croissant de ruches d’abeilles domestiques en zone urbaine ne fait qu’amplifier ces problèmes, puisque cela augmente la compétition entre les insectes pollinisateurs pour des ressources particulièrement rares dans certains quartiers. Dans un reportage de l’émission La semaine verte (ICI Radio-Canada), l’entomologiste Étienne Normandin mentionne que l’introduction d’une seule ruche d’abeilles domestiques en ville « enlève le potentiel de pollen à 100 000 abeilles sauvages » ! Dans cette compétition, l’abeille domestique a l’avantage de pouvoir couvrir un territoire de 5 km de rayon, contrairement à 50 mètres pour les abeilles indigènes. La recherche sur ce phénomène de compétition n’en est qu’à ses débuts. M. Favret a fait mention de deux récentes études qui tendent à démontrer que la présence de l’abeille domestique a un impact négatif sur les pollinisateurs indigènes.
Qui plus est, certaines conditions et pratiques d’apiculture urbaine peuvent se retourner contre l’abeille elle-même. D’abord, l’évaluation de la capacité du milieu récepteur à répondre aux besoins de la nouvelle colonie n’est pas toujours bien faite, ce qui se traduit par des récoltes de miel « dérisoires » et de trop nombreux cas d’essaimage (les colonies se cherchant des sites mieux adaptés à leurs besoins), selon M. Péricard. Par ailleurs, à Montréal, l’état de santé du cheptel est préoccupant; les abeilles urbaines seraient plus sujettes aux maladies et aux parasites que leurs cousines rurales. À la lumière de ces éléments, le pionnier de l’apiculture urbaine plaide pour une meilleure collaboration entre les apiculteurs urbains, parfois insuffisamment outillés pour réagir adéquatement, et les apiculteurs ruraux d’expérience pour contrer leurs problèmes communs.
Devant cet état de fait, les expertEs ont relevé l’importance de poser un certain nombre d’actions prioritaires avant d’introduire de nouvelles ruches d’abeilles domestiques dans l’environnement urbain, principalement :
Rappelons que l’événement du 28 mai faisait suite à la décision récente de la Maison du développement durable (MDD) de retirer la ruche d’abeilles domestiques qui avait été installée l’année dernière sur le toit du bâtiment. La faible productivité de la ruche, un problème d’essaimage et l’état navrant dans lequel on a retrouvé la colonie au printemps ont révélé que ni le toit végétalisé du bâtiment, ni l’environnement immédiat de la MDD n’offrent, à l’heure actuelle, les conditions propices au maintien d’une colonie d’abeilles domestiques. Espérons que cette prise de conscience et l’événement qui en a découlé seront porteurs d’apprentissages pour les citoyenNEs, les éluEs et les autres acteurs intéressés par le devenir de l’abeille et des autres pollinisateurs en zone urbaine.
Connaître et prendre soin des pollinisateurs urbains
Apiculture urbaine responsable